mardi 26 décembre 2017

PENSÉE 03 - UN JOUR, JE MOURRAI

Le 24/07/2017,

UN JOUR, JE MOURRAI


Un jour, je mourrai. Cela n'a rien de prophétique ; cela est normal. Quoique, normal, je ne sais pas ; ainsi dirons-nous plutôt que cela est naturel. Dans mes jeunes années, on m'a expliqué maintes fois que cela était ainsi, une règle du jeu à accepter à laquelle nul ne peut échapper, comme une place à laisser aux autres qui attendent, après avoir suffisamment profiter du spectacle de la vie. C'est tellement beau ainsi de mourir.

Ce qu'il faut retenir de tout cela ? Tout simplement que tout ce que la vie nous donne, la vie nous le reprend le moment venu. C'est une leçon indispensable à comprendre pour mieux supporter l'insupportable, pour mieux justifier l'injustifiable. Ainsi, nous naissons tous (du moins la plupart) avec une mère, qui nous élèvera, nous nourrira, nous aimera, nous éduquera et nous instaurera les bases de la vie. Mais cette mère, la vie un jour nous la reprendra, car telles sont les règles. Ainsi donc je perdrai ma mère un jour, ou alors ma mère me perdra avant ; quoiqu'il arrive, nous serons donc séparés à jamais. Cela semble si injuste et si triste que l'on aimerait que ce jour n'arrive jamais. Mais ce jour arrivera... Je pourrai énumérer des années durant toutes ces choses que l'on nous a donné et que l'on nous reprendra quand l'heure sera venue, puisque rien n'est physiquement immuable. Le moindre objet, la moindre rencontre, la moindre création, ... Rendre que ce l'on reçoit, n'est-ce donc pas une formidable morale de vie ? Mais qui nous a donné ce présent si précieux et si fragile qu'est la vie ? Aisé d'imaginer ainsi pourquoi les Hommes ont crée tant de dieux et de mythologies pour répondre à cette question.

Une question me revient souvent lorsque je pense à la mort, seul, la nuit, dans mon lit : pourquoi pleurer de la mort puisqu'elle est une fatalité, un dû, non un malheur qui nous tombe dessus ? Je ne peux répondre à cette question, puisque des larmes coulent à chaque fois que j'évoque ce moment où je partirai. Pourquoi mon corps réagit-il ainsi ? Pourquoi mon cœur devient si lourd de peines ? Pourquoi ais-je si mal ? J'ai trouvé deux réponses à ces questions. La première est que ma vie est précieuse, unique, qu'elle a du sens, et que j'en suis pleinement conscient. Ainsi, la mort m'apparaît comme un grand gâchis, moi qui est tant de choses à faire, à donner et à partager. La deuxième est parce que j'ai peur de la fin de toute chose, de cette inconnue, comme les Hommes ont toujours eu peur de se qu'ils ne connaissaient pas. J'ai peur de ne pas avoir le temps de faire tout ce que je veux faire, peur de mal mourir, peur d'avoir mal, peur de rendre mon dernier soupir, peur de fermer les yeux, peur de ne plus pouvoir penser. Je ne veux plus réfléchir sur ce sujet, sinon d'autres larmes couleront ; et pourtant, voilà que je réfléchis encore. Toujours est-il que je m'en irai, tout comme vous tous.

Je ne sentirai plus la brise ni même les doux rayons du soleil chauffer ma peau. Je ne pourrai plus ressentir ces plaisirs simples mais intenses qu'un vivant peut ressentir, comme manger un bon plat cuisiné avec amour ou sentir l'odeur du bon pain sortant du four d'une boulangerie, boire de l'eau fraîche après un effort intense et sentir cette eau traverser ma gorge, regarder les étoiles scintiller dans le ciel obscur, contempler la lune des heures durant avec ma lunette astronomique, respirer à plein poumons l'air pur de la montagne et sentir cet air envahir ton nez de sa fraîcheur, jouer au foot avec tous mes potes et me dépenser sans compter jusqu'à avoir mal aux jambes, contempler un coucher de soleil et ses couleurs chatoyantes, observer la nature vivre et les oiseaux chanter, faire une bonne sieste sur un transat, découvrir les dernières technologies de mon époque avec la même passion, jouer aux jeux-vidéos et m'évader dans des mondes fantastiques le temps de quelques heures, marcher sur la neige avec ce bruit si particulier, découvrir de nouveaux paysages et de nouvelles cultures, manger par pur gourmandise des bonbons ou une bonne crêpe au Nutella, siroter un cocktail avec des amis, regarder les belles femmes passer avec des pensées stimulantes, ressentir toutes les émotions d'un baiser fougueux et du toucher d'un nouveau corps, profiter d'un bon barbecue en famille, ressortir d'une séance de cinéma complètement abasourdi par ce que je viens de voir, marcher dans les longs couloir du musée du Louvre en observant des œuvres millénaires, ... Je pourrai continuer ainsi des années durant.

Voilà tout ce que l'on me retirera, comme on le fait pour chacun depuis la nuit des temps. Je ne pourrai plus rien ressentir de puissant, ni même stimuler mon cerveau, ni même prendre une bonne bouffée d'air pour remplir mes poumons d'oxygène. Cela est si injuste quand cela concerne une si belle vie que la mienne, une âme créatrice aussi forte, mais qui suis-je pour prétendre vouloir échapper à ce que nul ne peut échapper ? Retirer le pouvoir de créer à un créateur, tout comme retirer le pouvoir de vivre à un bon vivant, n'est-ce pas là un châtiment immérité ? Qu'avons-nous bien pu faire de si impardonnable à l'origine pour que la vie nous afflige un tel sort ? Je me dis que peut-être il s'agit d'une question d'humilité. Après tout, un homme immortel ne serait-il pas la pire chose qui puisse exister, tant il peut être mauvais et arrogant ? Déjà se croit-il plus fort qu'il ne l'est, alors ne se prendrait-il pas pour un dieu qu'il n'est pas ? Et puis, à quoi bon vivre sur une planète surpeuplée d'êtres immortels, que l'on aurait détruit de part en part pour nos besoins immenses, alors que cela est déjà presque le cas en étant mortel et fragile ?

Oui, en soi, la Mort, je la comprends. Elle est nécessaire, elle est utile, elle est naturel. Nous vivons plus intensément avec un compte à rebours derrière nous. Nous créons plus vivement avec la peur de ne pas finir notre travail. Nous sommes plus prudents en sachant que nous n'aurons pas de seconde chance. Nous sommes beaucoup plus conscients de la valeur des choses lorsque l'on sait qu'elles peuvent disparaître à jamais. Oui, mais voilà, je ne veux pas mourir.

Et pourtant, un jour, je mourrai...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire